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Culture à boire

Sauvons nos bars (pas de ligne, les autres) !

L’Hexagone serait-il en train de s’assoupir ? Depuis quelques années, devant la pression des riverains, nombreux sont les bars sommés de baisser le rideau. Heureusement, de Lille à Toulouse, la résistance s’organise.

« La boulangerie vient de fermer, le bar aussi. Il n’y a plus rien, vous verrez, vous serez tran-qui-lles. » Il était fier ce jour-là l’agent immobilier de sortir son argument de vente à deux balles. Habiter dans le Sud Yvelines sans un bruit, sans une vie, pour lui, le gage d’une existence réussie. Evidemment, j’ai fui.

Les fermetures et les plaintes se multiplient comme des bières au comptoir un soir d’happy hour.
Les fermetures et les plaintes se multiplient comme des bières au comptoir un soir d’happy hour.

Je me suis retrouvée à Paris, dans le 10e arrondissement parisien là où ça bouillonne, là où ça créé, là où ça tolère. Des dizaines de bars, plusieurs salles de concert, des boulangeries à chaque coin de rue. La vraie vie. Pourtant en octobre 2012, les premiers signes d’une intolérance de voisinage se font sentir. Le Point Ephémère, bar-restaurant-salle de concert écope d’une fermeture administrative de neuf jours. Trois mois plus tard, rebelote, la préfecture de police notifie à cinq établissements du Faubourg Saint-Denis leur fermeture administrative pour dix jours. En septembre dernier, on prend les mêmes et on recommence. C’est au Comptoir général d’aller au coin. A chaque fois, les mêmes mécanismes : des plaintes répétées d’une poignée de riverains. « En 2014, la Préfecture de Paris a prononcé 240 fermetures administratives, explique Arnaud Taisne, coordinateur régional Ile-de-France du Collectif Cultures bars bars. Et la tendance est la même dans toutes les villes. »

C’est vrai que les bars peuvent faire du bruit, qu’ils peuvent être des repaires de saoulards mais ils sont souvent bien plus que ça et font des efforts pour minimiser les impacts sonores. Depuis 2011, certains d’entre eux se retrouvent sous la bannière des cafés-culture parce qu’ils accueillent des musiciens, des comédiens, des artistes en tous genres, bref font partie des scènes de lancement de nombreux artistes. Il y en aurait près de 7 000 en France. Enfin un peu moins puisque 3 établissements de ce type ferment chaque jour.

De 1997 à 2008, le nombre de cafés-tabacs a baissé de 16 %, les petits établissements étant les plus touchés.
De 1997 à 2008, le nombre de cafés-tabacs a baissé de 16 %, les petits établissements étant les plus touchés.

Mais que serait devenu Jacques Brel sans le Tire-bouchon près de Montmartre ? Comment la Môme Piaf aurait pu être repérée par Louis Leplée. Comment une Zaz, une Grande Sophie ou un Pep’s auraient-ils pu percer ?  « Depuis les cabarets parisiens au XIXe siècle jusqu’aux cafés concerts de la fin du XXe siècle qui ont accompagné l’émergence du rock alternatif, le renouveau de la chanson française ou encore la naissance du slam, ces établissements s’inscrivent au cœur du vivre-ensemble, écrit le Collectif. Ils accueillent de nombreux artistes et suivent au plus près l’évolution des pratiques culturelles des Français. Ils construisent au quotidien le lien social qui a toujours été le propre des cafés, tout en y ajoutant une plus-value artistique aux multiples retombées sociales, culturelles et économiques. »

Tenez, avez-vous déjà poussé les portes de l’International, ce bar du 11e arrondissement parisien où deux à trois lives s’enchaînent chaque soir dans la petite salle au sous-sol. Ou la Mécanique des Fluides à Toulouse où l’on panache les soirées blues et death métal ? Ou le Blogg, bar-hangar lyonnais ? On aurait du mal à s’en passer, non ?

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Pour que les bars culturels puissent continuer à exister, le Collectif invite aujourd’hui à la médiation. A faire se rencontrer ceux qui vivent ces bars et ceux qui les subissent. En août 2014, une première opération de consultation est organisée à Lille. Des questionnaires sont à remplir en ligne ou à remettre dans des urnes devant les établissements participant à l’opération. Pourquoi une consultation ? « Parce que nous voulons redonner la parole aux lilloises et aux lillois.  Parce que la nuit évolue et n’est pas qu’une question de réglementation et de sécurité mais avant tout une question de vivre ensemble et de cohésion sociale. Parce que l’histoire nous a appris que l’interdiction et la prohibition n’ont jamais rien réglé. »

2 300 réponses plus tard, on apprend que le public revendique avant tout une diversité culturelle pour ces lieux. Que ce qui peut lui gâcher une soirée relève de l’insécurité ou de transports mal adaptés, rarement du bruit. « On a eu de jolies propositions aussi, précise Arnaud. Du genre des places de spectacle « en attente », des espaces de co-working ou l’ouverture des transports toute la nuit pour profiter de la soirée en toute liberté. »

Les résultats de la consultation devraient être prochainement présentés aux pouvoirs publics, en espérant voir émerger rapidement un Conseil Consultatif de la Vie Nocturne à l’image de celui qui se crée en décembre à Paris. « Les élus et les pouvoirs publics doivent pouvoir entendre l’expression d’autres publics, pas seulement celle des riverains grincheux. L’objectif est de montrer qu’on est autre chose qu’un simple débit de boisson, que l’on partage plus que de la bière. Nous sommes de véritables lieux de vie.»

Le collectif Bars Bars, c’est 500 lieux en France, et même quelques-uns en Amérique du Sud
Le collectif Bars Bars, c’est 500 lieux en France, et même quelques-uns en Amérique du Sud

Pour preuve, dans quelques jours démarre le festival Culture Bars bars. Du 27 au 29 novembre, 231 bars ouvriront leur zinc à des milliers d’artistes, des centaines de spectacles, concerts, expositions, pièces de théâtre ou performances. « 138 000 spectateurs avaient suivi les déambulations nocturnes de nos programmateurs fous en 2013. Seront-ils plus en 2014 ? » s’interroge Arnaud. Pour ma part, j’aurais adoré habiter à Nantes. Mange ta soupe, le boys band du potager passe au Cascabel le 27 novembre !

 

8 commentaires

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  1. Berlin est une ville pleine d’espaces vides:idéale donc pour vivre la nuit…
    Pour ma part,ce sont les bars qui se sont installés dans le quartier tranquille où j’habite de longue date,et dont les consommateurs m’exhortent à déménager si je suis dérangée par leur tintamarre (je passe sous silence d’autres nuisances très concrètes)
    N’inversons pas l’ordre des priorités !

  2. Alice, et pourtant…. la vie n’est pas forcément synonyme de calme. J’habite Paris, suis sensible au bruit, surtout la nuit, et m’applique donc à ne pas me loger juste au-dessus d’un bar ou d’une grande avenue passante. Mais j’aime fréquenter ces endroits, aller boire un verre tard le soir, ecouter un concert dans un petit bar. Se loger au-dessus d’un bar puis demander sa fermeture relève juste de la privation de liberté de l’Autre, puisque dans une grande ville, on a le choix, d’une rue à l’autre, la situation est différente. Non, la nuit n’est pas forcément faite pour dormir. Ne chassez pas la vie des centres villes, Paris devient une ville musée que les jeunes fuient au profit de Berlin. C’est dommage, la vie est multiple.

  3. Cette lettre électronique est bien le dernier endroit où je pensais trouver le lobby de la « nuit » en pleine action.!!!!!!
    La nuit est avant tout faite pour DORMIR,surtout pour les enfants,mais aussi pour les adultes qui travaillent
    Alors ,si l’on aime faire du bruit,on va dans des endroits faiblement peuplés,et pas en pleine ville
    Je m’abstiendrai de tout commentaire sur l’origine de cet adoration du bruit :inutile de développer.

  4. Bon l’argument Brel, OK.
    L’argument Piaf, OK.

    Mais Zaz… Faut pas pousser non plus.
    🙂

    Vive la pression en 50 libre !

  5. Surtout pas d’amalgame ! J’ai 64 ans, j’habitais Lille près de Masséna, j’ai connu chaque fin de semaine, les hurlements la nuit, l’urine et le vomi sur ma porte, j’ai déménagé pour un quartier plus calme. Je fréquente parfois un bar culturel où il fait bon écouter un concert en sirotant un cocktail. Le patron nous demande de respecter les voisins qui ne se plaignent de rien. Il n’est pas si difficile de bien vivre ensemble. Un maître mot : Respect.

    1. En effet Dominique, vous avez prononcé le mot clé : « respect », malheureusement il ne recouvre pas toujours la même signification, surtout quand le taux d’alcoolémie monte.
      Par ailleurs le seuil de tolérance au bruit s’abaisse à force d’usure (pour moi, c’est tous les soirs, avec environ 10 restos et quelques bars dans une rue minuscule, où on les comptait au nombre de 2 il y a quelques années..) Il me semble que c’est aux gérants de lieux » culturels » d’aménager les lieux en conséquence; Avant, bien sûr il y avait aussi des fous de musique, mais ça se passait dans des caveaux, donc prévus pour … beaucoup s’accordent le droit de tout faire , n’importe comment, et n’importe quand, pourvu qu’on ait l’ivresse …. P.S. Je vis dans le monde de la musique..

  6. Pourquoi s’en prendre aux voisins qui souffrent et pas aux soûlards ou autres qui vomissent ou chient (entre autres) sur leurs pas de porte ? J’exagère un peu (et encore, ça arrive) mais s’il y avait un peu plus de respect de la part des uns il y en aurait probablement plus de la part des autres…

  7. Merci pour le clin d’oeil,
    Il est encore temps de sauter dans un TGV pour Nantes, on a épluché les légumes et ça commence à mijoter!
    Pat / Mange Ta Soupe

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