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Patrick Lombric, reporter au coeur de la terre.

Patric, reporter au coeur de la terre
Patric, reporter au coeur de la terre

Patrick Lombric ? C’est moi.
Grand reporter au coeur de la terre. Indic des mauvaises pratiques. Doudou des jardiniers.
L’équipe de la Ruche qui dit Oui ! vient tout juste de m’embaucher pour vous rapporter ce qui se passe sous vos pieds.

Patric, reporter au coeur de la terre
Patric, reporter au coeur de la terre

Faut dire que sur le sujet, j’en connais un sillon. Si on ne m’asticote pas à coups d’engrais, je mets mes 7 petits cœurs au labeur, aère la terre et lutte contre l’érosion par les micros-rigoles que j’aime dessiner dans le sol.
Et surtout, glissant, fuyant et luisant j’observe tout ce qui se passe depuis ma galerie. Vous nous croyez tous pareils ? Tatata, ma famille compte près de 150 cousins différents rien qu’en France. Dans le monde, on serait même 10 000 espèces parmi mes congénères et le plus fort d’entre nous mesure 3 mètres de long ! D’ailleurs quand on se retrouve tous ensemble ça déménage. On est capables de rassemblements monstres, jusqu’à 3 millions par hectare. Vous avez jamais vu une telle manif vous !
Depuis peu, je suis aussi un animal de compagnie. On m’envoie par Chronopost hanter les lombricomposteurs. Là, je garantis une putréfaction potagère sans odeur et en prime fais marrer les enfants.

Patrick Lombric ? C’est moi. Vous me retrouverez ici régulièrement, des enquêtes exclusives pleins les arceaux.

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Patric, reporter au coeur de la terre
Patric, reporter au coeur de la terre

1ère ENQUÊTE : IMMERSION DANS LES TERRES DE L’AGRICULTURE INTENSIVE

Pour mon premier reportage : direction la Beauce, sis pieds sous terre…
Pour vous planter le décor, je suis parti enquêter incognito au coeur d’une exploitation de la Beauce : 348 hectares de culture de blé cultivés depuis 3 générations. On m’a dit : « Patrick, on a besoin de savoir comment ça se passe 6 pieds sous terre quand on cultive sans faire tourner les cultures. » Sacré défi.

Trois jours plus tard, me voilà dans un paysage en deux dimensions. Pas un arbre à l’horizon, juste des champs extra plats. Déprimant ? Sans doute un peu, d’autant que j’étais sûr de ne pas croiser beaucoup de cousins. Car à l’école des lombrics on vous l’apprend : la monoculture, c’est la Creuse des vers de terre. Dans ce genre de champ, on n’est que 103 kg par hectare et à peine 4 espèces différentes. Alors que dans une belle prairie permanente, on se retrouve à plus de 1450 kg/hectare et 11 espèces, c’est plus excitant. Oui, nous les vers de terre on nous compte en kilos, c’est plus simple et ça va plus vite. Mais il faut savoir que l’on peut être plus de 3 millions par hectare. Pour vous donner une idée, ça fait à peu près l’ensemble des Parisiens concentrés sur un terrain de foot. Vous voyez un peu le truc. Donc dans la Beauce profonde, bah, c’était un peu l’antithèse de ce tableau-là.

Pour évaluer l’état de la terre, j’ai commencé à creuser. C’était dur comme du béton. Une sacrée semelle de labour comme disent les agriculteurs dans le coin. Moi je dis qu’il n’y a pas de quoi la ramener. Sur 30 centimètres, la terre était tellement tassée que j’ai eu un mal fou à fourrer mon nez. Même les racines du blé au lieu de filer droit dans le sol ont pris la tangente. Elles se sont mises à pousser à l’horizontal. Vachement naturel le truc. Au bout de 2 heures, j’étais lessivé. Aussi j’ai choisi de sortir mon gadget numéro 1, l’attrape-lombric à la mode de Dijon. Un arrosoir d’eau dans lequel j’ai ajouté 2 grosses cuillères à soupe de moutarde. C’est un truc de naturaliste qui fonctionne à tous les coups. Un genre d’appeau à vers de terre. J’ai pulvérisé ma vinaigrette-maison sur le sol et attendu. D’habitude, c’est l’éclosion : tous les vers remontent à la surface pour prendre l’air. Ca permet de se compter et d’évaluer la qualité de la terre (plus on est, plus elle est riche). Là, le grand bide. Seuls quelques potes sont arrivés. « Ben alors les gars, la moutarde ne vous monte plus au nez ? ». L’ambiance n’était pas à la déconne. Sans rien dire, ils m’ont encerclé, ont commencé à parler, tous ensemble au début dans une cacophonie pas possible. Puis Dominique a sorti son drapeau CVT (la Confédération des vers de terre), est montée sur une motte et a résumé.

« Ici, on nous chasse chaque année un peu plus. »
Au début, ils sont venus avec leur tracteur et ils ont labouré la terre sur 30 centimètres, explique Dominique. On a perdu toute notre famille des Enchytréïdes. Ceux qui ont survécu n’avaient plus une feuille en décomposition, plus un gramme de fumier à se mettre sous la dent. Rien, nada. Alors on s’est réfugiés plus bas dans la terre au pays des lombrics et on a creusé à nouveau nos galeries, on a mangé la matière organique, avalé un peu d’argile et restitué le tout à la nature gentiment (je vous fais pas un dessin, hein ?). Grâce à nous, les plantes trouvaient de la nourriture prête à être absorbée. A nous tous on a réussi à boulotter jusqu’à 400 tonnes de terre par hectare les premières années. On faisait notre boulot. Toute la micro-faune était contente, les collemboles, les trombidions… Le sol était riche, brun, aéré. Ca sentait bon. Et puis ils ont recommencé. » « Ils se sont mis à labourer à un mètre de profondeur ? » demandais-je ? Pire, on nous a empoisonnés au compte- gouttes. Un désherbant par-ci, un engrais par-là. Et voilà nos parents malades, mourants, décimés. On a bien essayé de nous enfuir mais 100 mètres plus loin c’était encore pire. On était coincés.

Aujourd’hui on crève à petit feu. On n’a plus rien à manger, il n’y a plus ni nématodes, ni protozoaires, ni rotifères, ni bactéries, ni champignons à se mettre sous la dent. Eux aussi ont été exterminés. Quand il pleut, on ne récupère plus une goutte. Normal, notre système d’écoulement des eaux ultra sophistiqué faits de broderies de galeries n’existe plus. Résultat, la pluie ruisselle sur le sol, charrie les résidus chimiques et se déverse dans les rivières. Sans nos couloirs, les racines du blé ne s’enfoncent plus dans le sol, il est trop dur. Elles stagnent à la surface. Et comment font-elles pour trouver les bons nutriments qu’on savait leur offrir par nos jolis cacas ? Potassium, phosphore, magnésium : terminé ! C’est bien simple, aujourd’hui, la terre ne respire plus, ne s’enrichit plus, elle étouffe ! Faut pas nous en vouloir, on n’a plus la force de creuser. Et on est si peu… »

Comme j’aime bien sortir ma science, je rappelle les propos de Darwin : « La charrue est une des inventions les plus anciennes et les plus précieuses de l’homme, mais longtemps avant qu’elle existât, le sol était de fait labouré par les vers de terre et il ne cessera jamais de l’être encore. » Ils l’ont oublié là-haut ? Dominique baisse la tête. Moi ça fait deux heures que mes yeux picotent et la moutarde n’y est pas pour grand-chose. La réponse est oui : les agriculteurs intensifs l’ont complètement zappé. Pire, ils s’en tapent éperdument.

En attendant, je commence à flipper. Que vais-je ramener au bureau à Paris ? Quelques images de vers de terre au chômage technique, des clichés d’épis de blé qui n’ont plus d’auxiliaire pour pousser, plus d’itinéraires balisés pour étendre leurs racines, plus de sol aéré, plus de nourriture facilement disponible. Le vide, rien que du vide. Pour un premier reportage, ça commence bien. I’m a poor lonesome wormboy…

RÉSUMÉ DE CE 1er ÉPISODE :
Patrick Lombric a été envoyé dans la Beauce pour mesurer l’impact de la culture intensive sur les sols. Les terres malmenées par des années de labour et de traitements chimiques ont détruit une grande partie de la faune du sol, vers de terre compris. Pour Patrick, c’est terrible car les lombrics de son espèce jouent un rôle majeur pour la santé du sol :
ils aèrent la terre en creusant des milliers de kilomètres de galeries qui permettent : 1/ à l’eau de s’écouler dans le sol (au lui de ruisseler en surface des champs) 2/ aux racines de pouvoir s’étendre à la verticale et trouver à manger au fond de la terre.
ils mangent matières organiques et argiles, les deux composantes du sol et restituent le tout dans des crottes hyper riches en potassium, calcium, phosphore… Tout ce que les plantes adorent.
ils retournent la terre mille fois plus naturellement qu’un tracteur sans détruire les autres bébêtes qui vivent dans le sol.
Bref, Patrick est dépité. Saura-t-il retrouver son optimisme légendaire ? Vous le saurez dans la prochaine enquête de Patrick . A suivre…


 

2 commentaires

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  1. bonjour

    j’adore le concept, et je voudrais moi ausi me lancer je sais qu’il existe des ruches à l’ile de la reunion mon lieu de residence mais impossible d’avoir une cartographie des ruches existantes merci de me renseigner

  2. Evitez si possible les expressions (très parisiennes) comme « c’est la Creuse » des vers de terre. C’est désobligeant pour cette région qui accueille bien plus de lombrics que la Beauce, sans compter le jardin en mouvement de Gilles Clément. Il faudrait expliquer également la PAC, les contraintes -lourdes – qu’elle impose aux agriculteurs sur la gestion de leurs surfaces, en terme de semis, de jachère, de culture, et communiquer sur les différentiels très importants entre prix d’achat à la production et prix de vente au consommateur. Il ne s’agit pas de cautionner l’agriculture chimique, loin de là, mais de fournir les clés de la réflexion. Et veiller à l’ouverture et à la compréhension plutôt qu’à la division. Signé « Les Turicules – le jardin de la terre heureuse »

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