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L’escargot bourguignon : slow devant !

Ça pourrait être l’alimentation du futur tellement la production ne pèse pas lourd sur les ressources de la planète. Deux escargots apportent autant de protéines qu’un steak et il ne faut à Frédéric Marcouyoux que 800 m2 pour élever ses 180 000 bêtes à cornes de façon extensive. Rencontre en Bourgogne, en attendant la pluie.

 

Chez Frédéric, la densité est inférieure à la norme du cahier des charges AB, soit 250 escargots par mètre carré de parc.

Chez Frédéric, la densité est inférieure à la norme du cahier des charges AB, soit 250 escargots par mètre carré de parc.

Urgence, ralentir. Frédéric a fait de la formule un art de vivre. « Travailler toujours dans le stress, courir après les délais, à force ça fatigue. Il y a 3 ans j’ai quitté mon job d’informaticien pour revenir à mon rêve de gosse : devenir éleveur. »  La légende raconte que le trentenaire a choisi de s’orienter vers les gastéropodes pour une histoire de pompe à chaleur. « Lorsque nous avons emménagé dans notre maison de Vernot, à 20 kilomètres de Dijon, notre jardin était bourré d’escargots. Comme on devait faire des travaux de géothermie, on les a tous déplacés dans la cabane du jardin. Ils ont tout mangé en moins de deux. Je me suis alors plongé sur Internet pour savoir comment nourrir ces petites bêtes. » Quelques mois et formations plus tard, Frédéric se lance et commence l’élevage de quelques dizaines de milliers d’escargots.

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Ici, dans ce petit bourg qui ne compte que 75 âmes, Frédéric reproduit avec ses bêtes à coquilles ce que les autres éleveurs font avec leurs vaches ou leurs cochons. Chaque automne, il sélectionne dans son champ les plus beaux spécimens qui assureront la lignée. « J’en garde 10 000 pour la reproduction. » Pas besoin de planifier les rencontres. Les escargots hermaphrodites sont mis à copuler dans des petites boîtes de terre et s’en sortent très bien sans manuel. La difficulté arrive lorsqu’il faut prélever les oeufs et leur offrir les meilleures conditions pour qu’ils puissent éclore. « Très peu d’héliciculteurs sont aussi naisseurs, confie le sage homme qui vend d’ailleurs chaque année près de 150 000 mini-escargots à ses collègues. » Quand le miracle de la vie opère, Frédéric envoie les bébés au pré. Ils n’ont que trois jours et deux fois plus de mois pour devenir adultes.

Les moutons viennent aider à l'entretien des parcelles. Et puis il faut dire que Frédéric en rêvait aussi...
Les moutons viennent aider à l’entretien des parcelles. Et puis il faut dire que Frédéric en rêvait aussi…

« Mon rôle est de re-créer les conditions optimales pour qu’ils puissent se développer », confie l’éleveur. Comprendre : leur offrir le gîte, le couvert et la pluie. Le gîte est fait de planches récupérées ici et là et entreposées de telle façon à ce qu’il y ait la plus grande surface d’adhésion possible. Vu du ciel, le paysage est assez graphique. On dirait un banquet fraîchement déserté.

Pour le couvert, Frédéric a planté de la luzerne, de la phacélie, de la bourrache, de la bardane, de la moutarde (Dijon est à deux pas), du colza, du tournesol, du ray-grass. Il faut aussi un petit complément mais là l’écolo a du mal à trancher. Il voudrait du bio et du local. Comme la formule n’existe pas, il achète un mélange biologique de céréales et de calcaire étranger et un autre 100% français qu’il mélange à 50-50. « A terme, j’aimerais créer mon aliment spécifique. Je travaille avec un copain bio dans le coin, il fait de la farine, des céréales et de l’huile. Ca devrait coller. » Enfin pour la pluie, il scrute le ciel. Quand les cumulo-nimbus ne font pas partie du décor, il active les tuyaux d’arrosage.

 

Bourgogne, à la bourguignonne…. 95% des escargots consommés en France viennent d’ailleurs. Ici, ils sont élevés et cuisinés par Frédéric.
Bourgogne, à la bourguignonne…. 95% des escargots consommés en France viennent d’ailleurs. Ici, ils sont élevés et cuisinés par Frédéric.

 

Chaque automne, vient le temps de la cueillette. Frédéric sort alors sa monture, une carriole qu’il pousse à la main. L’été dernier, il y a trimballé ses enfants pour des vacances de 48 heures à vélo dans les patelins du coin avec tente et gamelles pour le feu de bois. « Je ne prends jamais de congés, ça ne me manque pas parce que je n’ai jamais l’impression de travailler. » Entre le nourrissage, le ramassage et la préparation en cuisine, ses journées pourtant n’ont pas grand chose à voir avec le verbe procrastiner. « On me dit souvent qu’avec les escargots je n’ai pas besoin de courir mais quand il y en a 3000 qui se sont barrés, il faut quand même les rattraper. »

Maintenir les bestioles dans leur pré carré compte parmi les missions essentielles d’un héliciculteur. Pour cela Frédéric a tranché. Il s’en remet au bon vieux principe de la chaîne alimentaire. Les poules sont invitées à manger les limaces et les insectes dévoreurs d’escargots. Les lapins viennent en fin de saison boulotter l’herbe restante dans les parcs pour faciliter la récolte. Les moutons tondent autour des champs pour débusquer les rongeurs et éradiquer leurs cachettes enherbées. Les rapaces accueillis dans le nichoir de la maison leur prêtent main forte… Jolie coopération agricole !

C'est autour de cette parcelle que seront plantés les arbres fruitiers.
C’est autour de cette parcelle que seront plantés les arbres fruitiers.

« L’une de mes parcelles est particulièrement exposée au vent et aux rayons du soleil. Mon projet est de planter tout autour du parc à escargots un verger conservatoire, un champ de fruitiers de la région. J’y ajouterai aussi des arbustes à petits fruits. Les poules et les moutons viendront y pâturer. » Frédéric s’y voit déjà. Sa forêt comestible apportera fraîcheur, ombre et humidité aux escargots. Et permettra de créer de nouveaux débouchés pour l’exploitation.

« L’élevage hélicicole est assez saisonnier, explique Frédéric. En hiver, les escargots hibernent. J’ai le temps pour développer d’autres activités. » En plus de la plantation du verger, il prévoit ainsi d’acheter de nouveaux équipements pour le laboratoire, un pressoir, une doseuse, une capsuleuse, un autoclave pour transformer les fruits. « L’outil de transformation sera également mis à disposition d’autres producteurs qui souhaitent transformer leurs productions. »

Avec tout ça, il lui restera sans doute quelques heures au milieu de la nuit pour assurer son rôle de maire du village. Urgence, ralentir qu’il disait…

 

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