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Saga fruitière

Abricot : vos papiers s’il-vous-plaît

Savez-vous d’où vient l’abricot ? Du Roussillon ? Vous n’y êtes pas. Le fruit est né au pays des grands espaces et a fait le tour du monde en 7000 ans. Saga historique du fruit orangé à la peau veloutée.

Prunus armeniaca Rosaceae, c’est son nom scientifique. Tout laisse donc à penser que l’abricot est originaire d’Arménie. Il n’en est rien. L’abricot et la pêche sont les deux fruits à noyaux du genre Prunus originaires de Chine. Le berceau de l’abricotier se trouve ainsi dans le Xinjiang à l’extrême nord-ouest de la Chine. Il poussait là, à l’état sauvage, il y a 5000 ans. Cultivé dans les zones montagneuses, le fruit, une fois séché, commença son épopée à travers les steppes et les déserts de l’Asie centrale. Passant aisément de la yourte au cheval, il devient le compagnon très nourrissant des fabuleux cavaliers Ouïgours.

De l’Asie à l’Arménie

Puis, changement de monture, c’est à chameau que l’abricot gravira cols et montagnes, affrontera les routes et les déserts en compagnie des ballots de soie et des briques de thé des caravanes commerçant avec la lointaine Perse. En suivant le trajet des caravanes, l’abricot fait un très long voyage, nord de l’Inde, Pendjab, Tibet – où il mûrit à 3000 mètres d’altitude –, déserts de l’Asie Centrale, vallées fertiles du Moyen-Orient avant d’arriver au Proche-Orient par l’Iran et l’Arménie.

Là, notre abricot se plaît, sols et climat lui conviennent. Son adaptation est si totale qu’on en oubliera son origine chinoise. Aussi l’Arménie, pendant de longs siècles, est passée pour la patrie des abricots. Il faudra attendre la fin du XIXe pour qu’un naturaliste, mis en présence de quelques exemplaires sauvages, restitue la généalogie de notre ami !

Dessert d’Alexandre le Grand

L’introduction de l’abricotier au Proche-Orient s’est faite aux alentours de -150 avant J-C. Les Grecs puis les Romains ne prirent connaissance de l’abricotier qu’à cette époque. C’est Alexandre le Grand qui l’introduit en Grèce où il est connu sous le nom de berekokia (c’est-à-dire précoce). Et ce serait le général romain Lucius Licinius Lucullus, célèbre par ses victoires mais encore plus par le faste de sa table et ses magnifiques jardins de Rome, qui l’importe et l’introduit dans l’empire romain vers -70 avant J-C.

Pline l’ancien, curieux de tout, signale l’abricot à l’occasion de l’une de ses chroniques sur les pêches, le croyant sans doute variété du genre pêcher : Parmi les pêches, la palme est aux duracines (…) elles mûrissent après l’automne. Les précoces (abricots) mûrissent en été, il n’y a que trente ans qu’on les a, originairement on les vendait jusqu’à trente sesterces. Aucun fruit n’a été payé davantage, chose étonnante car il n’y en a point qui passe plus vite. Cueilli, deux jours est le terme au-delà duquel on ne peut le garder, et on est obligé de le vendre.

Petit abricot sur les flots

Au début de notre ère, quelques centaines d’années après son arrivée en Arménie, la culture en était bien établie en Syrie, Turquie, Grèce et Italie. Et c’est par les bateaux marchands que l’abricotier va se répandre dans tout le bassin méditerranéen, de l’Afrique du Nord aux rivages de l’Espagne.

En France, l’abricotier aurait été introduit par deux voies :

> en provenance d’Italie par la vallée de la Loire. Le roi René d’Anjou (1409-1480), natif d’Angers, hérita du royaume de Naples en 1435, et ramena d’Italie ce fruitier dans sa région natale. Ce prince, amateur d’art, de peinture, de musique et de littérature, se passionnait également pour les fleurs, les fruits et les jardins.

> en provenance d’Espagne par le Roussillon. On ne sait pas quand l’introduction s’est faite, mais probablement entre le moment où Narbonne fut occupée par les Sarrasins (en 715) et celui où le Roussillon fut rattaché à la couronne de France (en 1659).

Fruit royal

La culture de l’abricotier ne s’établira véritablement en France qu’au XVIIe siècle. C’est son implantation dans les vergers de Versailles par Jean-Baptiste de La Quintinye (1624-1688) qui le fit vraiment connaître en France. Louis XIV l’appréciait tant qu’il l’appelait le fruit royal et l’abricot eut place très vite sur les tables les plus somptueuses où les convives le fêtèrent. Seules trois espèces étaient cultivées à Versailles, le Commun, le Précoce, et l’Angoumois.

Au milieu du XIXe siècle, près d’une cinquantaine d’espèces seront cultivées. C’est dire le remarquable développement de l’abricot en France.

C’est à peu près à la même époque que les missionnaires espagnols l’implanteront dans le sud de la Californie. Où il a depuis bien prospéré. La boucle est bouclée, le XXe naissant sera témoin de son implantation dans le sud de l’Australie.

4 commentaires

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  1. Bonjour,
    Il semblerait qu’il y ait un petit problème de chronologie, car si l’abricot a été introduit au Moyen-Orient vers 150 av JC, Alexandre n’a pu y goûté, sinon depuis son tombeau, étant mort 150 ans plus tôt…
    Toutefois, il est toujours intéressant de se rappeler que nos fruits et légumes ne poussent pas chez nous depuis toujours mais ont beaucoup voyagé !

  2. Merci pour cette jolie histoire sympathique qui nous donne envie de nous régaler encore avec ces fruits délicieux.
    Permettez-moi un petit correctif: Alexandre le Grand , c’est le quatrième siècle av. JC. Donc l’abricot est arrivé au Proche-Orient avant 150 av. JC ( si c’est bien lui qui l’y a amené ). . .

  3. Bonjour, je trouve votre initiative intéressante, néanmoins je reste curieux de connaître qui se cache à la tête de ce réseau, s’agit-il d’une SA, d’une SCOP? Normal que l’on sache en tant que citoyen quels sont les réels motivations des créateurs du concept de la ruche qui dit oui.
    Au plaisir de vous lire.
    Michel.Baloche

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